Archives de la guerre : l’accès enfin facilité

Les lois et législations internationales stipulent clairement que les archives appartiennent au territoire dans lequel elles ont été produites.
Les archives classifiées de l’Etat français sont désormais accessibles. Longtemps revendiquées par l’Algérie, et ce depuis l’indépendance nationale, les archives, notamment ceux de la Révolution sont consultables dès aujourd’hui. Hier, « le président de la République française, Emmanuel Macron, a décidé de faciliter l’accès, dès mercredi, aux archives classifiées de plus de 50 ans, y compris celles relatives à la Guerre de libération nationale (1954-1962) », a indiqué un communiqué de la présidence de la République française. Cette décision a été prise afin de « permettre aux services d’archives de procéder dès demain (mercredi) aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse », précise la même source, ajoutant que « cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la Guerre de libération nationale (Algérie) ». Cette annonce intervient une semaine après la reconnaissance par le Président Macron, « au nom de la France », que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée coloniale en 1957. Cette décision « démontre que nous allons très vite », note la même source, relevant que sa portée dépasse le cadre de l’Histoire de l’Algérie et que le Président français a répondu favorablement aux attentes de la communauté universitaire qui se plaignait notamment des « difficultés d’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans en raison de l’application scrupuleuse d’une circulaire sur la protection du secret de la défense nationale ». Avec cette décision, c’est le travail qui historiens, longtemps privés de sources d’informations, qui connaîtra une avancée, surtout que la guerre n’a pas révélé tous les secrets des exactions commises contre le peuple Algériens. L’Algérie qui a fait de la récupération des archives sont cheval de bataille depuis longtemps a eu, finalement, gain de cause, et pourra enfin, consulter cette page de notre histoire nationale, faite, on y convient, de gloire, mais aussi de sang des martyrs et de sévices commis par le colonialisme. A noter que les archives sont de différents types et se trouvent donc dans divers endroits. Ainsi, les journaux de l’époque coloniale se trouvent à la Bibliothèque nationale, et les historiens, comme les journalistes, peuvent y accéder sans délai. Mais l’administration française est productrice d’une grande quantité de paperasses, dont une partie se retrouve dans les archives. La loi française reconnaît que la raison d’État permet de tamponner des documents du sceau « confidentiel », « secret » ou « très secret » afin d’en empêcher la consultation, mais durant cinquante ans seulement. Donc cette déclassification répond à deux impératifs. Celui du temps écoulé depuis les faits, mais aussi à la récurrente demande algérienne dans ce sens. Les archives des services en charge de l’Algérie dépendant du ministère de l’Intérieur initialement conservées aux Archives nationales à Paris (série F/80) ont été transférées, en 1975, aux Archives nationales d’Outre-Mer à Aix-en-Provence où les ont rejointes les archives rapatriées d’Algérie dites « archives de souveraineté » qui restèrent la propriété de la France après l’indépendance.
Le combat de l’Algérie
Considérées comme la mémoire de toute une Nation, les archives de la guerre d’Algérie ont été au centre d’un bras de fer discontinu entre Alger et Paris. Ainsi, il ne se passe pas un événement sans que l’Algérie ne revienne à la charge et exige la restitution de ses documents pour études et analyses. M. Abdelmadjid Chikhi, conseiller auprès du Président de la République, chargé des archives nationales et de la mémoire nationale, a affirmé récemment que l’Algérie « ne renoncera pas à sa demande de restitution de ses archives détenues par la France ». Dans une récente déclaration à la presse, M. Chikhi a précisé que « la génération actuelle et celles qui lui succèderont demeureront attachées à la demande de restitution de toutes les archives nationales détenues par la France et se rapportant à plusieurs périodes de notre histoire », estimant qu’« il n’y a pas chez la partie française de réelle volonté de clore ce dossier définitivement ». Selon lui, les responsables français en charge des négociations sur ce dossier n’ont pas de pouvoir décisionnel en la matière. Rappelant que toutes les lois et législations internationales stipulaient clairement que « les archives appartiennent au territoire dans lequel elles ont été produites », le responsable des Archives nationales a dit que « la France tente de se dérober à ces textes internationaux en promulguant des lois de contournement ». La loi promulguée par la France en 2006 en est une parfaite illustration, puisqu’elle dispose que « les archives font partie du domaine public » et qu’elles sont, par conséquent, « inaliénables et imprescriptibles », a estimé M. Chikhi. Il a également cité la décision de disperser les archives algériennes détenues par la France dans d’autres centres « à l’insu de l’Algérie ». Pour M. Chikhi, cette mesure constitue « une violation du principe de non rétroactivité des lois », d’autant que le dossier des archives « fait l’objet de négociations et n’a pas été tranché définitivement », rappelant à l’occasion que les discussions entre l’Algérie et la France concernant ce dossier « sont à l’arrêt depuis trois ans, soit depuis le limogeage du directeur des archives françaises, une institution qui n’a pas actuellement de responsable à sa tête ». Des associations, des historiens et des juristes avaient demandé aux autorités françaises « l’accès immédiat » aux archives notamment celles inhérentes à la Guerre de libération nationale, à travers l’abrogation du texte de loi préconisant la protection du secret de défense nationale. Dans une démarche qualifiée d’inédite, ces parties avaient appelé, dans une déclaration rendue publique, à l’abrogation de l’article 63 de l’instruction générale interministérielle n 1300 (IGI 1300) portant protection du secret de la défense nationale, déplorant que l’application de cette instruction se soit « considérablement durcie ces derniers mois, à la demande du secrétariat général de la Défense et de la Sécurité Nationale ». « Alors que le Président français Emmanuel Macron appelle à un débat sur le passé colonial de notre pays, l’accès aux archives permettant un examen informe et contradictoire de ces questions est aujourd’hui entravé », avaient écrit les rédacteurs de la déclaration. Des réactions sont attendues après cette décision prise par les autorités françaises concernant cette déclassification.
Ouiza. K